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La formation des interprètes/traducteurs à l’heure des TIC

Francopolis: La formation des interprètes/traducteurs à l’heure des TIC
  Ref.:  737     

La formation des interprètes/traducteurs à l’heure des TIC
Xavier Bihan
Kurz gefasst: Cyber-langues 2002, Artigues près Bordeaux, le 22.08.02


La formation des interprètes/traducteurs à l’heure des TIC

Cyber-langues 2002

Artigues-Près-Bordeaux

La formation des interprètes/traducteurs à l’heure des TIC

En 1990, à mon arrivée à l’Institut de Langues Romanes de la Humboldt-Universität, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le mur de la honte avait disparu depuis un an et l’embauche massive de locuteurs natifs – dont je faisais partie – laissait supposer qu’un vent nouveau (venu de l’Ouest) soufflait sur cette université dont le riche passé historique avait vu son éclat quelque peu terni par 40 ans de mise sous tutelle Est-allemande.

 

L’illusion fut de courte durée car si, jusqu’en 1992, nous pûmes bénéficier d’un système relevant plus du cours particulier que du cours magistral pour nos étudiants, nous dûmes nous rendre à l’évidence que cette période bénie tirait à sa fin et que commençait celle de la restructuration initiée par le Berliner Senat. Finies les séances intimistes à quatre ou cinq étudiants, l’heure de la rentabilité avait sonné. Un seul mot d’ordre : « Sparen ! » qui résonnait à n’en plus finir dans les couloirs solennels du bâtiment majestueux sis Unter den Linden . Il en allait de la survie de notre vénérable institution : « Sparen ! », il fallait faire des économies. Le matériel dont nous disposions pour enseigner étant des plus rudimentaires, il semblait bien que ce ne serait pas sur ce poste que l’attention des liquidateurs de l’enseignement supérieur de la RDA se focaliserait. En effet, le glas ne tarda pas à sonner et le couperet à tomber : une déferlante de licenciements massifs ne tarda pas à s’abattre sur nos frêles épaules de linguistes apeurés, mettant en péril des pans entiers de notre enseignement.

 

Ainsi, la formation des interprètes – qui, à l’heure où Berlin redevenait capitale et siège du gouvernement, trouvait une légitimité indiscutable et apportait sa contribution non négligeable à la construction de l’édifice Allemagne repositionné au centre de l’Europe - paradoxalement était appelée à disparaître, victime de son hémorragie professorale, alors que le nombre de demandes d’inscription dans ce cursus était exponentiel. Nous n’épiloguerons pas sur ce que les spécialistes appellent le fameux « Paradoxe Humboldtien » (das humboldtsche Paradoxon, pour les puristes) car bien que ce thème soit passionnant  ce n’est pas ici notre propos.

 

Le navire faisant eau de toutes parts, je me mis en quête de solutions me permettant d’apporter un complément « hors cours », sans frais (pour l’université et les étudiants !), étoffant ainsi le programme minimum imposé par les administratifs insubmersibles. Participant ô combien assidu aux passionnantes réunions du conseil d’administration de l’Institut, j’avais pu constater que si les restrictions budgétaires touchaient de plein fouet le personnel enseignant, il n’en était pas de même du poste équipement qui se voyait grassement augmenté. Le « Paradoxe Humboldtien » (das humboldtsche Paradoxon, pour les puristes qui auraient la mémoire courte) avait encore frappé ! Mon attention se porta alors tout naturellement sur les balbutiements des nouvelles technologies qui nous promettaient des jours meilleurs et allaient peut-être nous éviter de boire la tasse.

 

Accablé par la frilosité et la sclérosante lourdeur inhérente à tout système universitaire, je décidai, pour me donner les moyens de mes ambitions, de créer ma propre structure de recherche indépendante. Ainsi naquit le Centre de Recherche, d’Étude et de Développement d’Outils Linguistiques réunissant  universitaires et professionnels, des deux côtés du Rhin, animés par la même passion pour les langues et les nouvelles technologies. Le Crédol allait me permettre de créer toute une gamme de produits destinés au soutien de l’enseignement des langues étrangères en milieu universitaire. Rassurez-vous, je ne vous assommerai pas avec une description aussi rébarbative que détaillée du catalogue du Crédol et m’en tiendrai à la présentation de son produit phare : Linguapolis.net !

 

L’histoire de Linguapolis débute en 1996 avec Francopolis (www2.hu-berlin.de/francopolis). À l’époque, confronté à l’impérieuse nécessité de colmater les brèches laissées par le départ forcé d’une grande partie du personnel (enseignant !), je me mis en quête d’un assistant virtuel qui m’épaulerait en dehors  des cours. Fervent adepte du multimédia depuis plusieurs années, je franchis le pas en entrant de plein pied dans l’ère de l’hypermédia.

 

Permettez-moi un bref rappel étymologique avant d’aller plus avant. En effet, si aujourd’hui on a facilement tendance  à faire l’amalgame du mot multimédia avec le monde de l’informatique, il n’en a pas toujours été ainsi. Du latin "multus" (multiple) et de l’anglo-américain "mass media" (1923), multimédia a été utilisé dans les années 60-70 dans le domaine pédagogique pour décrire l’utilisation de différents médias (cassettes audio, diapositives, émissions télévisées…). Quant à l’hypermédia il réunit le son, l’image et le texte sur support numérique grâce à un hypertexte. L’exemple le plus connu étant probablement le World Wide Web qui, en fin de compte, n’est qu’un énorme hypertexte reliant à l’échelle mondiale tous les textes numériques entre eux.

 

Vous l’aurez compris, je décidais donc de créer un site internet à l’intention des étudiants. Je commençai par une sélection de 4000 liens classés par thèmes permettant aux étudiants d’orienter plus facilement leurs recherches dans le cyberespace francophone. La rubrique "Guide" fut, d’emblée, un succès et est aujourd’hui encore référencée dans de nombreux sites en France et en Allemagne. La consécration vint en 1999 lorsque les Netdays de Berlin, au mépris de ma légendaire modestie, me prièrent de faire la présentation de l’internet francophone à l’aide de celle-ci.

 

Dans une seconde rubrique, intitulée "Articles", je devançai les questions des étudiants sur certains thèmes récurrents de mes cours. N’ayant pas assez de temps en cours pour développer des sujets, trop vastes et polémiques, comme les « anglicismes », la « féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre », la « réforme de l’orthographe », ou « la question des langues régionales » par exemple, je mis en ligne des articles, traitant de ces points, que j’avais déjà publiés dans la revue "Fremdsprachenunterricht". Pour illustrer mes propos, je fis appel à l’hypertextualisation qui s’avéra être d’un grand secours dans ma démarche explicative. J’égayais donc mes textes de liens renvoyant à des sites apportant un complément d’information indispensable. Ce procédé me permit de séparer de façon très pratique et claire l’information primaire de l’information secondaire et de diriger l’attention du lecteur sur l’essentiel. La pensée devient plus linéaire tout en ayant la possibilité de faire appel à un complément d’information. Contrairement au livre qui vous impose une lecture linéaire du texte, l’hypertextualisation offre des chemins de traverse et des itinéraires "bis" que chacun est libre d’emprunter ou non.

 

Alors que le radeau de la formation des interprètes-traducteurs se maintenait plus ou moins à flot, le destin allait nous frapper une fois de plus. Depuis quelque temps, malgré tous nos efforts pour captiver notre auditoire, nous assistions impuissants à une hémorragie d’étudiants qui vidait nos salles de cours. Une vague d’accouchements, sans précédent, venait de nous frapper de plein fouet. L’euphorie ambiante consécutive à la reconstruction de l’ex-RDA avait son prix. Alors, que faire ? Allais-je attendre tranquillement que la houle ait fini de balayer notre frêle esquif pour faire le bilan des pertes ? Ce serait mal me connaître ! Retroussant mes manches (c’était l’hiver), j’inaugurais une nouvelle rubrique permettant aux étudiants, que les biberons, couches et autres maladies infantiles retenaient chez eux, de pouvoir suivre les cours en s’entraînant à domicile. Au début de la création de la rubrique  "Cours", je profitais du week-end pour mettre en ligne tous les textes étudiés durant la semaine, mais je constatai que sur le plan pédagogique il était plus efficace de le faire la veille, quelques heures avant le cours. Cette démarche permet de responsabiliser et de rassurer l’apprenant. Les débutants qui ne sont pas sûrs d’eux et de leur niveau peuvent jeter un œil sur le texte juste avant le cours et le cas échéant chercher une partie du vocabulaire dans le dictionnaire. Grâce aux statistiques de fréquentation de Francopolis, j’ai pu constater qu’ en début de semestre les étudiants consultaient régulièrement ces pages pour les délaisser au bout de quelques semaines. Preuve est ainsi faite que les étudiants gagnant en expérience et en assurance finissent par se jeter à l’eau sans bouée. Cependant les jeunes mères et pères de familles ainsi que les étudiants effectuant un séjour dans une université à l’étranger restent fidèles jusqu’au bout à ce service qui fait appel à l’initiative personnelle de l’apprenant.

 

Plusieurs variantes intéressantes ont également été expérimentées avec succès. Ainsi, grâce à l’hypertextualisation on peut proposer avec un texte de cours des liens qui font référence à des sites traitant de la même thématique. Cette solution présente l’avantage de proposer une alternative au dictionnaire et de donner une dimension interculturelle à l’enseignement en présentant les mots dans leur contexte original. Dans la sous-rubrique "interprétation consécutive niveau III" les textes sont accompagnés de leurs traductions officielles en plusieurs langues. Le cours gagne ainsi une dimension interdisciplinaire inusitée. Le cursus imposant l’étude de deux langues étrangères, l’étudiant peut, en cours de français, étendre ses connaissances, sur un thème précis, dans son autre langue. De plus, l’étude de certaines traductions "officielles" a souvent un effet bénéfique en rassurant les étudiants sur leurs compétences par rapport à celles de leurs aînés.

 

Ayant développé en parallèle avec le Crédol une série de 26 CD-audio de soutien à la formation des interprètes, je décidai de compléter ce service en ouvrant une médiathèque sur Francopolis. Dans un premier temps, je me contentai de mettre en ligne la version "texte" des enregistrements audio pour ensuite mettre les fichiers-son sur le serveur. L’avantage étant pour les débutants de pouvoir écouter les textes tout en les lisant et ainsi de mieux former leur oreille à la prosodie de chaque langue.

 

Jusqu’alors Francopolis avait été conçu pour une utilisation exclusivement interne à l’abri des grands murs de l’université. Victime du fameux syndrome de « l’insouciance numérique », fidèle à l’adage « Pour vivre heureux, vivons caché », je me complaisais dans la plus grande des confidentialités. C’était sans compter sur  un petit robot effronté qui vint me rappeler à la dure réalité des choses. Par un beau jour de mai, celui-ci débarqua sans crier gare sur le serveur de l’université et eut l’outrecuidance de référencer Francopolis dans les moteurs de recherche du monde entier. Il me fallut bien admettre que la page de l’anonymat  était désormais bien tournée. Le monde frappait à ma porte dérobée.

 

Alors que jusque là le nombre de visiteurs était d’environ 200 par mois, le référencement sauvage du site ne tarda pas à doubler son taux de fréquentation. N’ayant plus affaire exclusivement à un public d’initiés, je décidai de rendre le site plus intuitif à la navigation et, par la même occasion, de le rendre plus interactif. L’acquisition d’un moteur interne de recherche permettant de ne pas se perdre dans les 700 pages qui composaient alors Francopolis fut un premier pas effectué en ce sens. La création d’un forum devait permettre et faciliter la communication entre les étudiants, les enseignants et les professionnels, mais ce service trop lourd à gérer pour une seule personne ne connut jamais le succès escompté. La rubrique de petites annonces, entièrement automatisée, permet par contre aux étudiants de trouver, aujourd’hui encore,  des emplois et des stages.

 

Père comblé par son enfant surdoué qui n’en finissait pas de grandir et d’être l’objet d’éloges de la part des internautes de passage, je me mis en tête de multiplier ma progéniture en faisant appel aux dernières techniques de la procréation artificielle. Toujours soucieux d’être en harmonie technologique avec mon époque, je décidai de faire appel à la tant décriée méthode du clonage pour donner à Francopolis un petit frère prénommé Germanopolis qui ne tarda pas à marcher, avec succès, sur les traces de son grand frère et à faire la satisfaction de son papa que les contraintes inhérentes à l’éducation de ses enfants menaçaient cependant de faire blanchir sous le harnais. Appliquant à la lettre les méthodes d’éducation strictes, sévères et contraignantes dans la plus pure tradition de l’html, je redoutais de ne pouvoir faire face à ce surcroît de travail que vous impose la vie au quotidien avec deux enfants surdoués et pleins de vie. Cependant, breton dans mon âme et mon sang, je ne saurais concevoir une famille digne de ce nom sans y ajouter l’adjectif nombreuse. Priorité fut donc donnée à la simplification des méthodes d’éducation plus en adéquation avec le troisième millénaire naissant, sans pour autant sacrifier à sa qualité. Pas question de tomber pour autant dans les pièges d’une éducation laxiste et permissive. Pour ce faire, le Crédol développa un logiciel de mise en ligne simplifiée de données texte, image, son et vidéo permettant au papa stressé de dire adieu à ses logiciels ftp et autres codes html, source de tous ses ulcères et migraines chroniques. Du jour au lendemain, sa vie s’en trouva changée et menacé d’oisiveté par tant de temps libre il décida, fort de cette nouvelle technologie, de mettre à exécution ses projets de paternité nombreuse et multiculturelle.

 

Ainsi naquit Linguapolis (http://www.linguapolis.net/) une plate-forme, issue de l’expérience accumulée avec Francopolis et Germanopolis, consacrée à l’enseignement des langues. Soucieux de donner une dimension interculturelle à l’enseignement des langues en général et à la formation des interprètes en particulier, Linguapolis est conçu pour recevoir plusieurs sites de langues tous basés sur le même principe. Ainsi, outre Hispanopolis, dont le baptême aura lieu en novembre 2002, Anglopolis, Lusopolis et Italopolis sont en gestation. Toute la structure des sites et le design ont dû être revus pour faciliter l’interconnectivité entre eux. L’interdisciplinarité n’a pas non-plus été négligée avec la rubrique "Discours" qui propose une grande partie des discours officiels des gouvernements français, allemands et espagnols. Destiné à l’entraînement des futurs interprètes de conférence ce service est également utilisé par les étudiants en Sciences po et les écoles de journalisme, ce qui a eu pour conséquence de faire littéralement exploser le cyber-trafic sur le site qui vit sa fréquentation passer à plus de   9 000 visites pour le seul mois de septembre 2002. Sa réactualisation quotidienne et la possibilité grâce au classement thématique de comparer le traitement de l’actualité, nationale et internationale selon les langues et les pays font partie des points forts qui expliquent son succès. Ainsi l’étudiant linguiste ne cherche plus à faire de la traduction littérale mais conceptuelle.

 

Linguapolis, projet ambitieux visant à réunir un maximum de ressources sur une seule et même plate-forme, n’est viable à long terme que si plusieurs personnes participent à la gestion du site. À cet effet, le logiciel du Crédol a été conçu pour être utilisé par des collègues linguistes n’ayant pas forcément de connaissances particulières en informatique. Extrêmement performant, celui-ci permet de mettre en ligne plusieurs textes avec le son et l’image en l’espace de quelques minutes (- de 5 mn) tout en tenant compte de la question délicate du respect des droits d’auteurs, frein essentiel à la production de contenus sur l’internet. Ce système permet de développer des projets virtuels au-delà  des frontières géopolitiques et de réunir sur une même plate-forme les spécialistes d’un même domaine. La mise en commun des compétences en matière de didactique des langues à l’échelle internationale entre universités fait partie des prochains défis à relever de Linguapolis.

 

Le public de Cyber-Langues étant composé en grande partie de collègues du secondaire, je me permets d’attirer votre attention sur une rubrique particulièrement appréciée de Linguapolis : Les Quiz. Chaque « -polis » met à la disposition des visiteurs divers Quiz à vocation pédagogique.

 

Invitant plusieurs fois par semestre des professionnels de la traduction et de l’interprétation à venir nous faire part de leur expérience, je créai la rubrique "Nos Conférences" (http://www.linguapolis.net/conferences) pour permettre aux personnes intéressées par ces sujets et ne pouvant se déplacer, de s’en procurer la version texte et, le cas échéant, d’en commander l’enregistrement vidéo. « La traduction littéraire », « la traduction de BD », « la traduction de documents officiels », « l’interprétation de conférence », « la traduction dans la diplomatie », « la traduction de films », « le travail de l’interprète auprès des administrations et de la police » sont autant de thèmes qui grâce à la publicité faite par le site ont pu atteindre un public prêt à faire plusieurs centaines de kilomètres pour y assister. La promotion faite grâce au site et à sa lettre d’information "Linguapolist" est si efficace que je me  retrouve désormais confronté à un problème de capacité d’accueil au sein de l’institut de langues romanes et que je dois avoir recours aux plus grands amphithéâtres de la Humboldt-Universität. L’avantage principal que je retiendrai de la mise en ligne des conférences est d’inscrire, à moindre frais, un événement, par définition éphémère, dans la durée et ne plus le réserver à seulement quelques privilégiés.

 

Un des objectifs des conférences sur les métiers de la traduction et de l’interprétation est de montrer aux étudiants combien les possibilités de débouchés sont vastes et variées dans les langues et que l’on n’est pas obligé de se cantonner à un seul domaine. Ayant, moi-même, été plusieurs années interprète et traducteur, je ne dois d’avoir conservé mon équilibre mental (enfin, je l’espère) qu’en endossant en alternance les deux costumes. Lorsque la pression du Fax débitant ses traductions à faire pour l’avant-veille se faisait trop forte j’appréciais de sortir de ma tanière pour prendre une grande bouffée d’oxygène et retrouver l’humanité grouillante mettant brusquement mais avec délectation ma vie d’anachorète entre parenthèses. Quel bonheur par contre de pouvoir échapper au tourbillon des colloques, interviews, conférences de presse, visites officielles où l’on est toujours sur le qui-vive, en première ligne, à la merci de la moindre erreur de protocole, du contre-sens irrattrapable aux conséquences irrémédiables. Quel bonheur de pouvoir de temps en temps se retrancher derrière ses montagnes de dictionnaires, ses logiciels de TAO et autres et ne plus être considéré comme une machine biologique à traduire. L’enseignement fut également une alternative qui me permit d’aborder le domaine des langues sous un autre angle, mais très rapidement je dus me rendre à l’évidence que la routine n’était pas l’apanage des traducteurs ou des interprètes et que la sempiternelle répétition de cours d’interprétation consécutive, simultanée, bilatérale, de traduction économique, à vue… etc. ne contribuait pas forcément à l’épanouissement de l’apprenant et … de l’enseignant. Partant en guerre contre une conception trop souvent misonéiste de l’enseignement des langues c’est à dire une démarche qui refuse la nouveauté dans son apprentissage , j’arrivais à imposer deux cours "exotiques" de traduction caractérisés par une forte valeur ajoutée dans le domaine de l’utilisation des nouvelles technologies.

 

Le cours de "Traduction de Bande Dessinée" permet d’aborder un nouveau champ d’application des compétences du linguiste. À la croisée des chemins entre la littérature et le cinéma, le 9ème art comporte son lot de contraintes déconcertantes pour le traducteur lambda. Si l’outil informatique permet ici de réaliser une traduction de BD de A jusqu’à Z, il n’est pas indispensable pour enseigner cette matière. Une paire de ciseaux, de la colle, du correcteur, un crayon à papier, quelques feutres de qualité, de l’encre de chine, une règle, une gomme suffisent pour traiter le sujet. Le caractère ludique de cette discipline permet d’en envisager l’intégration aux cours de langue dans le domaine scolaire.

 

L’humour, les jeux de mots, les calembours, les onomatopées, le vocabulaire familier, les chansons… sont autant de registres particuliers qui, alliés à un souci omniprésent de concision dicté par la taille des phylactères, font la spécificité de la traduction de BD. Pour permettre aux étudiants de présenter un résultat concret de leurs travaux, un CD-Rom réalisé en 1999 en collaboration avec les maisons d’édition Jochen enterprises et MOSAIK Steinchen für Steinchen Verlag a été conçu puis présenté au salon du livre de Francfort. Le CD-Rom représente un support idéal pour la présentation de réalisations dans le domaine de l’art séquentiel. Cependant la somme de travail nécessaire à sa conception me dissuada de renouveler ce genre de projet  et m’incita à ne plus présenter les travaux des étudiants que sur un site conçu à cet effet (www2.hu-berlin.de/francopolis/2001nbd.html).

 

La BD "Touché" du dessinateur Tom publiée dans la revue Zitty et le journal TAZ nous permet de faire une présentation basique de l’utilisation des hyperliens dans ce domaine. Comme dans une présentation traditionnelle, on peut feuilleter les strips d’avant en arrière, mais également obtenir d’un simple clic la version française et revenir à l’original de la même façon.

 

Dans la bande dessinée "Die Abrafaxe", la version française s’obtient en survolant les bulles avec la souris. Ce principe novateur permet une lecture quasiment instantanée de la VO et de sa traduction, ce qui sur le plan pédagogique présente des avantages indéniables.

 

"Le Marchand de Gros Mots" nous permit d’expérimenter une réalisation multimédia au sens propre du terme. Guidé par le désir de montrer le bien-fondé d’une application pédagogique de la traduction de BD dans l’enseignement secondaire, nous réalisions ce produit multimédia intégrant le son à l’image. L’introduction du son permet d’en faire une utilisation originale dans les cours de compréhension/expression et de briser la monotonie de l’apprentissage des langues. Permettez-moi, ici, d’attirer votre attention sur la qualité du travail effectué par les étudiants en matière de retouche graphique.

 

Autre cours exotique, la "Traduction de films" tout comme la "traduction de BD" requiert aussi bien des qualités de traducteur que d’interprète. Dès le début des années 90, j’introduisais ce cours pour répondre à la demande de plus en plus forte des étudiants en formations professionnalisantes. Les étudiants repartent à la fin du semestre avec une cassette vidéo sur laquelle sont enregistrés le ou les court-métrages dont ils ont réalisé les sous-titrages. Peut-on rêver meilleure carte de visite pour accompagner son CV ? Le nombre important de mes anciens étudiants ayant  trouvé des débouchés dans cette branche dans toute l’Europe me laisse penser que ce principe a fait la preuve de son efficacité.

 

Pour faire la promotion de cette formation ainsi que celle des étudiants l’ayant suivie, je décidai d’ouvrir un site spécifique à cette discipline (www2.hu-berlin.de/francopolis/films). Réalisé en collaboration avec plusieurs jeunes réalisateurs, qui n’ont pas les moyens de s’offrir une version sous-titrée de leurs films pour participer aux festivals étrangers, et à qui nous offrons le sous-titrage en échange des droits de diffusion sur internet., ce site permet aux heureux possesseurs d’une connexion haut-débit de visionner les court-métrages en cliquant sur le drapeau correspondant à la langue du sous-titrage qui les intéresse. Pour répondre aux exigences pédagogiques des utilisateurs, nous avons fait en sorte que l’on puisse changer de langue d’un simple clic de souris sans pour autant interrompre le téléchargement du film. On peut ainsi, dans le plus grand des conforts, comparer les versions allemande et française d’un film anglais sans avoir à le recharger continuellement.

 

Je ne vous parlerai pas des contrats mirifiques qu’Hollywood s’évertue à me proposer afin de profiter de ce procédé révolutionnaire (n’ayons pas peur des mots) qui, sans aucun doute, permettrait ainsi de redonner un peu d’éclat à ses productions déclinantes. D’ailleurs, lorsque Spielberg vint en personne frapper à ma porte… Pardon ? Ah, j’en fais un peu trop ?! C’est probablement mon tempérament latin qui me joue encore des tours.

 

Cependant, je sens bien que le sujet vous passionne et vous aimeriez certainement en savoir plus sur les surprises et les trésors qui se cachent au détour de chaque lien hypertexte. Et quelles péripéties attendent encore la famille Linguapolis ? La grossesse s’est-elle bien passée ? Hispanopolis est-il le digne successeur de ses deux grands frères ? Vous ai-je parlé des échographies qui nous révèlent la physionomie bicéphale du petit Anglopolis attendu pour la fin mars, début avril 2003 ? Et le projet d’insémination artificielle par congélation… ? Autant de questions, et bien d’autres encore, qui restent en suspens. Pour suivre en direct la saga de la famille Linguapolis, rendez-vous tous les jours sur : http://www.linguapolis.net/ .

 

Xavier Bihan a obtenu pour ses travaux le prix du meilleur enseignement de la faculté de Philosophie II de la Humboldt-Universität de Berlin et le label français de l’année européenne des langues 2001.
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