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Euroland: l'euro dans tous ses états

Francopolis: Euroland: l'euro dans tous ses états
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Euroland: l'euro dans tous ses états
Xavier Bihan
Kurz gefasst: Tout le monde ne semble pourtant pas partager l'europhorie ambiante et l'une des toutes premières critiques formulées à l'encontre de l'avènement du nouvel espace monétaire est, contre toute attente, d'ordre linguistique...



Euroland





Euroland: l'euro dans tous ses états.

Le lancement de la monnaie unique européenne s'est fait en grandes pompes le 1er Janvier 1999. Réunis à Bruxelles devant un tableau électronique affichant les parités entre «l'euro» - substitué à «l'écu» à la demande insistante de l'ex-ministre allemand des finances, Theo Waigel, pour raison de consonance plus ou moins bovine! - et les onze monnaies nationales de l' Union monétaire européenne MM. Jacques Santer, président de la Commission européenne et Yves Thibault de Silguy, commissaire chargé de la monnaie unique, se congratulaient et qualifiaient cet instant d'«historique». Côté allemand, Gerhard Schröder, le nouveau chancelier allemand, connu pour ses prises de positions anti-euro, se montrait sous un nouveau jour et passait subitement dans le camp des euroravis en déclarant: «L'époque où l'on faisait cavalier seul en économie et finances est révolue. Si l'après-guerre a pris fin il y a neuf ans avec la chute du Mur de Berlin, notre avenir commence au 1er janvier 1999.» Côté français, même enthousiasme Valéry Giscard d'Estaing, reconnu comme étant l'un des pères fondateurs du système monétaire européen, déclarait: «C'est l'événement le plus important depuis la création de l'Union européenne dans le traité de Rome», tout en regrettant l'absurdité du calcul de la parité à cinq décimales. Le ministre français de l'économie, des finances et de l'industrie Dominique Strauss-Kahn partage l'enthousiasme général en affirmant: «La création de l'euro va permettre à l'Europe de mieux résister aux turbulences du marché, et (...) devenir un instrument de maîtrise de la mondialisation».
Tout le monde ne semble pourtant pas partager l'europhorie ambiante et l'une des toutes premières critiques formulées à l'encontre de l'avènement du nouvel espace monétaire est, contre toute attente, d'ordre linguistique. Dans l'engouement général et probablement pour donner toute sa dimension à l'événement, on a vu fleurir l'emploi d'un néologisme malheureux désignant les onze pays participants (France, Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Autriche, Irlande, Portugal et Finlande). À l'origine c'est une banque américaine qui, lasse d'utiliser des expressions à rallonge pour désigner la zone euro, l'aurait baptisée Euroland qui ne tarda pas à être repris par les milieux financiers puis économistes et enfin par la presse. L'apparition de ce nouveau vocable a aussitôt suscité une polémique dans l'hexagone et l'Académie française d'être aussitôt saisie.
La raison de cet émoi est à chercher dans la rareté de l'emploi de la terminaison «land» en français. On ne la trouve que dans des noms commerciaux du type «Disneyland» ou «Jardiland». Et l'inconscient collectif de faire automatiquement l'amalgame Euroland/Disneyland qui, vous en conviendrez, n'est pas des plus sérieux. À l'instar de l'Espagne qui a spontanément opté pour «Eurolandia», la tentation est grande de vouloir ajouter un «e» pour franciser le terme en «Eurolande». Et de me voir subitement transporté dans ma Bretagne natale où j'aimais à jouer à cache-cache parmi les nombreux menhirs et dolmens parsemant la «lande» bretonne.
Si le choix du e muet évoque tout un monde de poésie et de plaisirs, les esprits chagrins, eux, ne manqueront pas de renvoyer à la définition de «lande». Le dictionnaire étymologique de la langue française précise, que «lande provient du gaulois landa, restitué d'après l'irlandais lann. Le cymrique llan , le cornique lan renvoient au vieux germanique landa , pour aboutir au land en cours chez les anglo-saxons comme dans les pays nordiques», mais il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui les deux termes ont suivi une évolution sémantique différente, «land» désignant un territoire alors que «lande» signifie: «Étendue de terre où ne croissent que certaines plantes sauvages (ajonc, bruyère, genêt, etc.)» (Petit Robert), «Formation végétale de la zone tempérée où dominent bruyères, genêts, et ajoncs; terrain recouvert par cette végétation.» (Larousse) bref, un terrain en friche.
En remontant plus loin dans l'étymologie du mot on retrouve ce sens dans des variantes russes «ljada» ou «ljadine», suédoises «linola» et en vieux slave «lendh», toutes issues de l'indo-européen. On est loin de la terre de prospérité tant promise!
L'Académie française ajoute, lors de sa séance du 7 janvier 1999, qu'il existe certes la Finlande, la Hollande, l'Irlande, la Nouvelle-Zélande et la Thaïlande mais que l'on n'a jamais entendu parler de Dollarland, Francland, Sterlingland ou autres. Cette argumentation confirme que l'appellation «Euroland» relève exclusivement du domaine des langues de spécialités et ne devrait pas dépasser le contexte économique ce qui, si cela arrivait, équivaudrait à identifier les pays à leur monnaie. Triste perspective que celle de l'identité monétaire, ne trouvez-vous pas?
Alors que faire? Pourquoi ne pas continuer tout simplement à utiliser notre bon vieux «zone euro» qui dans quelque temps remplacera la «zone franc», et entrera en concurrence avec la «zone dollar». La Banque de France et les administrations françaises ont d'ailleurs choisi cette solution avec la bénédiction de l'Académie française.

Avant d'en arriver à ce fameux 1er janvier 1999 il aura fallu surmonter bien des réticences chez les onze, le Monde interactif vous propose un cahier très complet sur le thème de l'euro. Il fait notamment le point par pays sur l'état de l'opinion publique et les monnaies vouées à disparaître: fort intéressant. En complément, je vous suggère de jeter un oeil sur le quotidien belge le Soir qui nous relate avec humour le passage à l'euro en France . L'heure est à la dédramatisation. Il faut dire que ce n'est pas la première fois que la population est confrontée aux nouveaux francs! Vous y trouverez également un dossier très complet sur le sujet de la monnaie unique.

Saluons ici l'initiative heureuse de six quotidiens qui ont décidé de conjuguer leurs efforts pour couvrir dans le détail la naissance et le devenir de la nouvelle monnaie européenne du 10 décembre 1998 jusqu'aux élections européennes de juin.
- Le Monde
- La Stampa
- El Pais
- Süddeutsche Zeitung
- Aftonbladet
- The Guardian
Voilà un premier effet, plutôt positif, du passage à la monnaie unique. Il laisse augurer d'un avenir moins triste que celui que nous dépeignent les europessimistes - à condition, bien entendu, que ces précurseurs d'une réalisation spontanée de l'idée européenne fassent des émules.

Comme nous l'avons vu l'euro a une terminologie qui lui est propre et il serait dommage que sa complexité nuise à son application. Pour pallier ce risque l'Institut de l'euro et le Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie grâce à son guide pratique de l'euro proposent chacun un abécédaire permettant de ne pas se perdre dans cette foule de néologismes, sigles et acronymes que l'Union économique et monétaire génère. Vous constaterez d'ailleurs que les eurocrates ont déjà anticipé les protestations des linguistes français en autorisant l'appellation «centimes» pour désigner les cents. Car même si dans l'expression «gagner des mille et des cents» le mot en question désigne de l'argent, cette acception reste inhabituelle et, à moins d'être prononcé à l'anglaise, son emploi risque de se heurter à l'incompréhension de l'utilisateur hexagonal...

X.BIHAN fsu 1/1999


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