L'internet francophone
«Internet se trouve être le véhicule le plus approprié pour échanger rapidement nos
connaissances, notre culture, notre histoire. Tout l'interêt que la francophonie
éprouve à l'égard d'Internet, reflète ce désir de diversité que nous souhaitons maintenir
aussi au sein des nouvelles technologies. Bien entendu, Internet est une invention
américaine, il est donc normal que la langue anglaise soit prépondérante à l'heure
actuelle. Nous avons certainement du retard à rattraper. Cela dit, toutes les universités,
tous les organismes francophones uvrent actuellement à créer des programmes en langue
française et à les diffuser sur Internet. Tous les pays de la francophonie se sont
associés
dans ce sens» . Telles étaient les paroles de Margie Sudre, alors Secrétaire d'État
à la Francophonie, le vendredi 10 Janvier 97, à la table ronde "Langue et culture"
des rencontres de l'Internet Society à Autrans.
Le bien fondé de ces propos qui, à l'époque pouvaient paraître exagérément optimistes
tant l'hégémonie de la langue anglaise sur le réseau des réseaux semblait incontestable
se confirme au vu du rapport diffusé par le Journal du Net
. En effet, d'ici 2003 plus de la moitié des contenus diffusés sur le web seraient
dans des langues autres que l'anglais. Prédiction étonnante qui s'explique en partie
par l'accroissement du nombre d'internautes appartenant à des communautés linguistiques jusqu'alors peu ou pas représentées sur la toile. Le nombre de sites web entre 1997
et 1999 a progressé de 400% pour atteindre les 500 millions de sites aujourd'hui.
Cette affluence est due en partie à des facteurs économiques qui font que de plus
en plus de personnes ont accès à ce moyen de communication, mais également aux avancées technologiques
en matière de navigateurs internet qui aujourd'hui permettent de plus en plus aux
ordinateurs d'afficher les caractères non latins.
En ce qui concerne le français, sa présence sur le réseau s'est renforcée grâce à
un apport progressif venu de l'hexagone mais surtout grâce à une mobilisation générale
de l'espace francophone, orchestrée de main de maître par le Québec, pays précurseur
en la matière. Avant d'aller plus avant dans le sujet, il serait bon de donner une brève
définition des expressions "francophonie", "Francophonie" et "espace francophone"
définition fournie par la rédaction de l'AFI
(l'année francophone internationale)
:
La francophonie
, avec un petit f, désigne généralement l'ensemble des peuples ou des groupes de locuteurs
qui utilisent partiellement ou entièrement la langue française dans leur vie quotidienne
ou leurs communications;
la Francophonie
, avec un grand F, désigne normalement l'ensemble des gouvernements, des pays ou des
instances officielles qui ont en commun l'usage du Français dans leurs travaux ou
leurs échanges;
espace francophone
représente une réalité non exclusivement géographique ni même linguistique, mais
aussi culturelle: elle réunit tous ceux qui, de près ou de loin, éprouvent ou expriment
une certaine appartenance à la langue francaise ou aux autres cultures francophones
qu'ils soient de couche slave, latine ou créole, par exemple. Cette dénomination est
la plus floue, mais aussi peut-être la plus féconde.
Ces trois définitions sont à rapprocher de celles du francophone que nous donnent
Dean Louder, Cécyle Trépanier et Éric Waddell du département de géographie de l'université de Laval sur leur site La francophonie Nord-américaine-Mise en place et processus de gestion géo-historique
Plusieurs définitions de francophone
s'offrent à nous. Énumérons-en quelques-unes: 1) personne d'origine ethnique française;
2) personne dont la langue maternelle est le français; 3) personne qui peut parler
le français, peu importe son origine ethnique; 4) personne qui vit en français. [...] Si l'on reconnaît la francophonie comme étant une "communauté historique", la variable
"origine ethnique française " permet d'obtenir une définition englobante
de la francophonie, tandis que la variable "français parlé à la maison" conduit
à une définition plus restrictive mais culturellement plus vivante
.
Onésime Reclus (1887), géographe français de son état, fut le premier à employer le
mot Francophonie dont il était le créateur. Mais ce n'est qu'au début des années
60, avec le projet de quelques chefs d'États africains de constituer une communauté
francophone qu'il sera employé régulièrement.
Quant à la liste de tous les pays et gouvernements de la Francophonie vous les trouverez
sur le site du VIIIème
Sommet de la Francophonie
accompagnés d'un descriptif. Après Hanoi en novembre 1997, c'est à Moncton d'accueillir
en septembre 1999 les représentants des pays et gouvernements ayant le français en
partage. Moncton
ville la plus importante du Nouveau-Brunswick, située au c ur de l'Acadie actuelle,
a été choisie pour organiser le VIIIème Sommet de la Francophonie à cause de son
statut de seule province canadienne officiellement bilingue et probablement aussi
à cause du fait que l'Acadie fut le premier territoire francophone au Nouveau Monde.Sa colonisation
fut héroïque puisqu'en 1713 ses habitants refusèrent de prêter serment d'allégeance
à la couronne britannique pour conserver leur langue et leur religion. Ce refus leur valut d'être déportés vers le Sud, en Lousiane, où certains restèrent (les
cajuns) tandis que d'autres parvinrent à regagner leur pays rebaptisé, entre-temps,
Nouvelle-Écosse et Nouveau-Brunswick. Leurs terres ayant été confisquées par les
Anglais, ils défrichèrent des terrains inutilisés et créèrent une communauté francophone qui
a survécu jusqu'à nos jours. C'est dire si les Acadiens sont dignes de rassembler
l'ensemble de la Francophonie chez eux!
De plus, ce Sommet aura lieu juste au moment de la Francofête qui sera célébrée durant
toute l'année 1999 et connaîtra son apogée avec le tricentennaire de la fondation
de la Louisiane par Pierre Le Moyne d'Iberville. À cela viendra s'ajouter, les deux
premières semaines d'août, le Congrès mondial acadien-Louisiane
deuxième du nom qui réunira les Acadiens du monde entier. À cette occasion, des reconstitutions
historiques, des conférences universitaires, 74 réunions de familles, un congrès
des femmes acadiennes et divers spectacles seront organisés.
Le Français, inscrit dans une logique nationale héritée de l'entreprise traditionnelle
du XIXème siècle pour qui l'extérieur n'était perçu qu'en termes d'exportations ou
de sources de matières premières, découvre assez tardivement les nouveaux espaces
que les avancées technologiques dans le domaine des transmissions et la démocratisation
des outils de communication qu'elles ont généré mettent à sa disposition. Ce n'est
que vers la fin du XXème siècle qu'il emboîte le pas à l'économie de marché et entre
dans une logique mondiale. Le Francophone d'Amérique du nord, linguistiquement isolé,
agressé, éparpillé, formant des diasporas, a toujours cultivé sa langue et son identité
et a su, bien avant ses cousins du continent européen, comprendre et saisir les opportunités que lui offraient les autoroutes de l'information. Le CIDIF
(centre international pour le développement de l'inforoute en français)
nous montre combien la réflexion sur le sujet est poussée et riche en enseignements.
Outre le bulletin sur l'état de l'espace virtuel francophone, on y trouve la boîte
à outils
. La Boîte à outils du CIDIF est un service gratuit de promotion des logiciels en
français pour Internet. Elle se présente sous la forme d'un
site Web actualisé continuellement et d'une compilation annuelle sur
cédérom. Ce service est proposé conjointement par le CIDIF et l'Agence de la Francophonie
, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
du Canada (MAECI
).
Si le centre de gravité de la défense et de la promotion de la langue française semble
être pour l'instant en Amérique du Nord, la Communauté française de Belgique
ne reste pas inactive et a réalisé un site passionnant intitulé "le service de la
langue française". Les professeurs de français se passionneront entre autres pour
"50 jeux de mots pour l'école"
qui leur donneront des idées de jeux qui permettront aux élèves d'aborder l'apprentissage
de la langue sous un aspect ludique. La langue française de A à Z
vous propose un alphabet qui vous offrira des pistes de réflexion pour en savoir
plus sur le français : son passé, ses richesses, ses spécificités, les grands enjeux
auxquels il est confronté actuellement, etc. Quant à la rubrique "Français et société"
elle propose des synthèses de recherches consacrées à la vie du français en Communauté
française de Belgique. Voilà un site à mettre en priorité dans ses signets (Bookmarks)!
Dans un passé encore récent (jusqu'aux années 1970-80) le français hexagonal était
considéré comme la seule référence par les dictionnaires. L'Académie royale espagnole
avait pourtant, dès 1871, montré l'exemple en publiant un dictionnaire incluant des
mots provenant d'Amérique latine ou d'Europe, le pays d'origine étant clairement indiqué.
Il faudra attendre la Biennale de la langue française à Dakar, en 1973, pour que
naisse le projet de la création d'un dictionnaire des usages de la langue française
dans le monde. La première pierre à l'édifice est apportée en 1982 par "L'inventaire des
particularités lexicales du français en Afrique noire". Il sera suivi, en 1995, par
le "Dictionnaire universel Afrique" né d'une collaboration entre l'AUPELF-UREF
(Agence francophone pour l'enseignement et la recherche)
et les éditions Hachette
. Cet ouvrage connaîtra un tel succès que l'expérience sera reconduite en étant étendue
à l'ensemble de la Francophonie. Le résultat, le Dictionnaire universel francophone
, sera présenté au Sommet
de Hanoi en 1997 (voir fsu 2/1998). La version en ligne du DUF est accompagnée d'une
encyclopédie
qui s'avère fort utile pour obtenir des informations factuelles sur la Francophonie.
Mais "L'inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire" n'en
est pas pour autant tombé dans l'oubli puisqu'une nouvelle version est actuellement
en préparation. Le Français en Centrafrique
, d' Ambroise Queffélec, y sera inclu et laisse augurer de la qualité de l'ensemble. Le fait de ne pas avoir
les particularités lexicales de tous les pays dans un seul et même ouvrage est un
progrès considérable permettant une recherche plus méthodique. De plus la présentation
très scientifique de l'ouvrage permet de suivre de près l'évolution des centrafricanismes
cette variété "régionale" de français qui tend à s'institutionnaliser comme norme
locale adoptée de plus en plus par les milieux culturellement dominants.
Le site Universités francophones
vous propose un "inventaire des particularités lexicales du Français" reprenant la
même présentation et passant en revue celles du Burundi, de la Nouvelle Calédonie,
de l'île Maurice et de l'île de la Réunion.
Pour terminer notre bref tour de l'espace francophone (une étude plus approfondie
demanderait de consacrer au moins un numéro complet à ce sujet) nous retournons
en Europe au Centre de dialectologie de Neuchâtel
qui nous présente son Dictionnaire suisse romand
fruit de près de 30 années de travail. Il compte environ un millier d'articles, plusieurs
milliers de citations, des commentaires historiques et étymologiques, des précisions
sur l'implantation régionale des mots étudiés, des équivalents en allemand, italien et romanche pour tous les mots qui évoquent des réalités helvétiques institutionnelles,
ainsi que des équivalents en français de France, de Belgique et du Canada. La version
que l'on peut consulter en ligne ne comprend, hélas, que les articles nouveaux qui nous permettent, cependant, de nous faire une idée concrète de ce que sont la
version papier et le CD-rom. Le dictionnaire suisse romand est le premier élément
du projet "Trésor des vocabulaires francophones" qui mettra en synergie les efforts
de partenaires belges, canadiens, français et suisses.
X. BIHAN fsu 4/1999
© 1999, X. BIHAN. Tous droits réservés.